I fought the law and the law… stole my train ticket

Rapport portant sur un acte de harcèlement d’une unité de C.R.S. à l’encontre de migrants à la gare de Menton Garavan le 21 février

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Entre le 19 février et le 24 février je me rendis en région Alpes-Maritimes ainsi qu’à Ventimiglia afin d’y enquêter sur la situation des migrants à la frontière franco-italienne. Le 21 février j’étais allé observer la gare Menton Garavan. Celle-ci est utilisée par la police française dans le but d’expédier les migrants sans papiers et de les renvoyer à Ventimiglia ; la police les contraint alors à prendre le prochain train, le cas échéant, ceux-ci se retrouvent déportés à l’ancienne poste de douane Ponte San Luigi.

En descendant du train à 15:39, j’aperçus deux policiers menant deux jeunes hommes au train à destination de Ventimiglia. Je devinais que ces derniers étaient probablement des sans-papiers. Je sortis alors mon portable de ma poche afin de photographier la scène.

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Concernant le terrain, la gare possédait deux quais. On y trouvait une sorte de petite maisonnée avec une salle d’attente ainsi qu’un point de vente. Devant la gare, il y avait un parking où les C.R.S. s’étaient établis avec deux ou parfois quatre véhicules. Le nombre était fluctuant tout au long de la journée. Je notais six policier lors de mon arrivée alors que je n’en comptait pas moins de quinze pendant l’après-midi.

Je pris quelques photos du parking devant la gare ainsi que de la voie sur laquelle les trains en provenance de Ventimiglia arrivaient. Après avoir contrôlé un train qui en venait, un officier de la police me demande alors pourquoi je n’avais pris aucun train puis exige de vérifier mon identité.

Je lui montrai mon passeport et lui indiquait mon statut de journaliste et lui expliquai mon projet d’enquête sur la situation des migrants aux frontières. L’officier me demanda si je détenais une carte de presse et lui répondit que non. Le policier alla donc jusqu’au véhicule des C.R.S emportant mon passeport avec lui. Il se saisit de son téléphone et passa un appel. Lorsque je m’ approchai du véhicule, il demanda me désignant : « Est-ce que quelqu’un peut repousser ce monsieur-là ? ». Un de ses collègues me pria donc de retourner sur le perron, ce que je fis.

A l’issue de son entretien téléphonique le policier revint et me dit que je devais demander une permission à la préfecture de Nice afin enquêter ici. Je lui demandai s’il était possible que je téléphone à la préfecture dans l’immédiat mais il refusa de me donner le contact de celle-ci. Il soutenait qu’il fallait que je m’y rende personnellement. Sans permission de la préfecture, je serais

« gentiment invité à circuler », me dit-il. Je lui demandai de m’éclaircir sur la loi mais il répéta à plusieurs reprises: « vous êtes gentiment invité à circuler, donc à ne pas rester là ». Je lui demandai alors si j’étais censé obéir à une « invitation » ce à quoi il n’a pas répondu.

Plus tard, lorsque le train pour Nice arriva à quai, je ne montai pas. L’officier vint à moi, se rapprochant et me demanda si j’avais du mal à comprendre le français.Lors du contrôle de train, les policiers firent évacuer un jeune homme du train. Je demandai s’il m’était possible de parler avec cet homme, à quoi l’officier répondit de manière sarcastique et agressive: « Bien sûr, monsieur ».

Je restai à la gare et ne pris pas non plus le train suivant. Le policier semblait désormais fortement agité et en colère. « Vous voulez vous foutre de ma gueule ? », asséna-t-il d’une voix forte en me tirant violemment du quai. Je restai là, entre les véhicules de C.R.S. et la gare. Le policier en sortit une matraque et s’approcha de moi, accompagné d’un autre officier. Il me tira par le poignet tout en serrant jusqu’à provoquer des douleurs. Ils m’entrainèrent dans un coin du parking. « J’ai un peu peur maintenant », bredouillai-je. « Ah, vous avez peur maintenant ! », me répondit-il d’une voix sarcastique et menaçante. Ils me lâchèrent dans un coin du parking. « Dégagez-vous », dit le policier et il prit sa matraque dans la main levant le bras comme pour frapper. Il le leva à deux reprises sans porter le coup. J’étais trop effrayé pour prendre une photo du numéro par lequel il aurait pu être identifié et je ne savais pas si j’étais capable de l’imprimer dans ma mémoire dans une telle, mais je reconnaîtrais son visage.

La matraque est particulièrement intimidante à la suite du viol de Théo. Ainsi, je tremblais de peur. Afin d’éviter les conflits, je restais près d’une demie heure dans le coin du parking où les deux policiers m’avaient poussé. Deux autres policiers s’avancèrent et se mirent à m’interroger. Ils me demandèrent de regarder une pièce d’identité. « Vous militez pour quelle cause ? » lança un des officiers. Je réexpliquai que j’étais journaliste et non pas militant. Il était bien évident qu’ils essayaient de distraire mon attention pendant que l’unité de police transférait avec un car des migrants qu’ils avaient sortis du train.

Quand je pris conscience du fait que les policiers n’avaient pas le droit de m’expulser du territoire je retournai sur le quai où les trains de Ventimiglia arrivaient. Là-bas, la police continua de me harceler. Un policier qui ne portait pas de numéro exigea plusieurs fois que je lui montre une pièce d’identité et me pressa d’effacer les photos que j’avais prise. J’obtempérai.

Cependant, lui-même m’avait pris en photo. Il me demanda de lui montrer mon billet de train en affirmant que je n’avais pas le droit de rester sur un quai sans billet de train. Je lui montrai donc mon billet aller-retour. J’etais donc parfaitement dans mon droit si telle était la loi. Pourtant, il continuait de me harceler exigeant une nouvelle fois que je lui montre une pièce d’identité.

Quand un autre train arriva aux alentours de 19 :00, le même policier me demanda encore une fois de lui montrer mon billet. Je le lui donnai. Quand la police eut terminé le contrôle du train, elle exigea que j’entre dans le train. Je demande alors aux officiers de me rendre mon billet, tout en essayant de le récupérer. Il me mit en garde, m’avertissant de ne pas devenir violent, alors à rattraper mon billet de sa main. Il me prévenait de ne pas devenir violent. alors qu’il semblait au contraire mettre tout en oeuvre pour que la situation dégénère.

Plusieurs policiers se positionnèrent autour de moi dans le but de me pousser dans le train. Je pris mon portable et feignai de filmer la scène. En réalité, il fallait que je réagisse vite mais dans la précipitation de la situation, je ne parvins pas à allumer la caméra de mon téléphone. « Ça va finir mal, monsieur ! » menaça l’officier.

Alors que je pointais mon portable sur lui il me lâcha et tourna le dos. Il me tira ensuite vers le car des C.R.S. « C’est un contrôle de police officiel maintenant », dit-il. Il assura que je devais effacer la vidéo et les photos de mon portable. Pendant qu’il prenait des clichés de mon passeport, je me mis alors à siffler la Marseillaise. Il m’ordonna d’arrêter en indiquait que siffler la Marseillaise était une « provocation » dans la mesure où je n’étais pas français. Après que le contrôle fut fini, je tentai de parler avec un jeune homme que les policiers avaient fait sortir le train. Deux policiers me repoussèrent.

Quelques minutes plus tard, je remarquai que le policier ne m’avait pas rendu mon billet de train. Je me suis donc rapproché d’eux. Le policier qui avait effectué le contrôle près du car affirma qu’il me l’avait rendu avec mon passeport. Si je ne le retrouvait pas, il faudrait que j’en achète un nouveau disait-it. Je quittai la gare à 19:30 en marchant vers le centre-ville de Menton.

Ce rapport était rédigé pour Amnesty International Nice. Je remercie Jessica pour les corrections.

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